STRATÉGIE NATIONALE SUR LA RESTAURATION DES PAYSAGES FORESTIERS ET DES INFRASTRUCTURES VERTES À MADAGASCAR
À la fin des années 90, les questions fondamentales qui dominaient l’agenda forestier international et qui façonnaient les actions et politiques nationales étaient la protection des forêts et la gestion durable des forêts en exploitation (UICN et WWF, 2002). Malgré que ces initiatives aient été importantes, une autre étape essentielle pour la pérennisation des actions avait été négligée : la restauration (Mansourian et al., 2005) qui de par sa définition fait suite à des pratiques dégradantes qui prennent aujourd’hui de plus en plus d’ampleur.
La restauration des paysages forestiers (RPF) offre un cadre complémentaire à l’aménagement forestier durable et une approche écosystémique dans les paysages où la perte de forêt a entraîné un déclin de la qualité des services fournis par les écosystèmes. Elle ne vise pas à rétablir une forêt « intacte » et/ou « vierge », mais plutôt de renforcer la résilience des paysages par les options d’aménagement actuelles et futures. Dans la même initiative, elle vise également à renforcer les communautés par le maintien et l’amélioration de la gestion de leurs terres.
Le début de la réflexion sur la restauration du paysage forestier a été considérablement influencé par l’expérience du Costa Rica (Janzen, 2000), qui a montré l’importance de la régénération des forêts secondaires, et de la Tanzanie (Wenger et al., 2005), qui a illustré les avantages de la restauration à grande échelle. Ces réflexions ont particulièrement été renforcées par les évaluations des écosystèmes (Millenium Ecosystem Assessment, 2005) sur la dégradation des terres qui le reconnait comme un problème mondial et qui affecte négativement les moyens de subsistance et la sécurité alimentaire par la perte à long terme des services écosystémiques. Ce n’est qu’en 2011, notamment lors de la réunion des représentants des organisations et des pays impliqués dans le Partenariat Mondial sur la Restauration des Paysages Forestiers (PMRPF) à Bonn, que les termes « restauration des paysages forestiers » prennent une ampleur mondiale. En effet, les dirigeants internationaux à Bonn ont manifesté leur soutien à la restauration des paysages forestiers et se sont engagés pour la première fois à un objectif planétaire ambitieux (PMRPF, 2011). Lors de cet événement, le Partenariat a lancé la carte des opportunités de restauration, montrant une estimation de plus de deux milliards d’hectares d’opportunités de restauration mondiales (Laestadius et al., 2011). La carte a contribué à la formulation du Défi de Bonn, c’est-à-dire à l’établissement d’un objectif quantitatif pour la restauration des paysages forestiers. Se focalisant sur un objectif de 150 millions d’hectares de terres en cours de restauration d’ici 2020, le Défi de Bonn constitue un instrument de mise en oeuvre pour des engagements internationaux existants (Saint-Laurent, 2015). Il a été conçu pour déclencher une action rapide en matière de réduction des émissions causées par le déboisement et la dégradation des forêts (REDD+) dans le cadre de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) (ralentir, arrêter et inverser le phénomène de perte de couvert forestier et de carbone), de même que pour agir en direction du quinzième objectif d’Aichi sur la biodiversité de la CDB (restaurer au moins 15 pour cent des écosystèmes dégradés de la planète d’ici 2020). Le Sommet de Rio+20 de 2012 a établi l’objectif d’une dégradation nulle des terres, en appui à la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification, à laquelle le Défi de Bonn contribue également.
S’inscrivant dans ce défi de Bonn, l’Afrique s’est aussi engagée à la restauration des paysages forestiers. Le continent se trouve en effet dans une situation unique dans la mesure où il dispose d’un plus grand potentiel de restauration que tout autre continent, avec plus de 700 millions d’hectares de terres dégradées. L’AFR100 (Initiative pour la restauration des forêts et paysages forestiers en Afrique) répond au mandat de l’Union Africaine consistant, entre autres, à restaurer au moins 100 millions d’hectares de terres dégradées d’ici 2030, conformément à la déclaration politique approuvée par l’Union Africaine en octobre 2015 pour la création de l’Initiative africaine pour des paysages résilients (en anglais Africa Resilient Landscapes Initiative – ARLI).Madagascar fait partie d’un des 10 pays qui se sont engagés officiellement dans l’AFR100 avec une première promesse de restaurer 4 millions d’hectares d’ici à 2030. Une telle initiative répond principalement à la vision nationale du nouveau Plan National de Développement (PND)1 et la vision du PEDD qui est : « D’ici 2030, l’environnement et le capital naturel de Madagascar sont sources de bénéfices durables ». En effet, la dégradation des terres touche plus de 46% de la superficie du pays avec des coûts chiffrés à 21 % du PIB (Nkonya et al. 2016). Elle est souvent liée à la perte de la fertilité des sols, historiquement attribuée aux pratiques de tavy (culture sur brûlis) qui appauvrissent le sol de ses éléments nutritifs, aux courtes périodes de jachère, aux déforestations, comprenant notamment la transformation intensive des forêts en terres agricoles, en aires de pâturage et en pourvoyeur permanent de bois d’énergie. Ces pratiques augmentent les taux d'érosion notamment au niveau des bassins versants, tout en faisant perdre progressivement aux terrains leurs qualités productives. De l’autre côté, l’extension des activités minières non contrôlées aggrave également la dégradation des terres et des forêts. L’Atlas des possibilités de restauration des paysages forestiers élaborés par le Partenariat mondial pour la restauration des paysages forestiers (GPFLR), montre qu’il existe des opportunités substantielles pour la RPF à Madagascar (WRI, 2015). Ces restaurations permettront ainsi au pays de faire face aux enjeux de la gestion de la biodiversité, de la lutte contre la dégradation des terres et de la lutte contre le changement climatique et devront « Bâtir un nouveau Madagascar, un Madagascar fort et ainsi léguer aux générations futures un pays apaisé, uni et prospère, qui aura réussi à devenir un leader mondial de la valorisation et de la préservation de son immense capital naturel en se basant sur une croissance forte et inclusive au service du développement équitable et durable de tous les territoires » (PND, 2014) se focaliser sur la nécessité d’améliorer les moyens de subsistance des communautés locales tout en s’assurant une intégrité des écosystèmes par :
- un rétablissement de l’équilibre entre les avantages écologiques, sociaux et économiques des forêts et des arbres dans un modèle plus global d’affectation des terres en recherchant des impacts sur l’ensemble du paysage,
- une stimulation du développement économique local avec des moyens de subsistance plus durables,
- une implication des parties prenantes locales à la prise de décisions et à la valorisation des connaissances existantes.
Ces constats ont été parmi les principaux moteurs de réflexions de « l’évaluation des potentialités dans le contexte des engagements de Bonn 2.0 et de la Déclaration de New York sur les forêts », une évaluation basée sur la méthodologie d’évaluation des opportunités de restauration des paysages forestiers (MEOR ou ROAM en anglais) développée par UICN et WRI (UICN & WRI 2014), et où le développement d’une stratégie nationale et de stratégies régionales ont figuré parmi les plus grandes priorités. De plus, des grandes lignes de ces stratégies ont déjà été réfléchies lors de cette phase notamment sur les aspects techniques et fonciers, l’organisation institutionnelle et les besoins de financement. Sur cette base, sous l’initiative du Ministère de l’Environnement, de l’Écologie et des Forêts et avec l’appui du Comité National Restauration des Paysages Forestiers et du Programme d’Appui à la Gestion de l’Environnement (PAGE/GIZ), le présent document a été élaboré pour une mobilisation active de toutes les parties prenantes (renforcement de activités ultérieures et mise en cohérence des interventions, mobilisation des données et des informations existantes) autour de la restauration des paysages forestiers. Il s’articule sur un état de la situation actuelle, une analyse des principaux défis à relever et les orientations stratégiques à mettre en oeuvre.
La méthodologie de l'élaboration de ces différentes parties s’est basée sur :- une analyse de la situation actuelle ou état des lieux avec une analyse théorique de documents de référence pour (i) l’identification et connaissance des principales parties prenantes de la RPF ; (ii) la capitalisation des acquis dans le cadre du processus RPF, (iii) l’identification des problématiques majeures, (iv) l’observation des différentes options de restauration de paysages forestiers à Madagascar. Les détails du schéma méthodologique sont en Annexe 1.
- une consultation des parties prenantes pour la détermination des défis à relever à plusieurs échelles (locaux, régionaux, nationaux et internationaux)
- une définition des axes d'orientation, transversaux ou sectoriels. Les axes transversaux définissent des champs d’intervention communs qui mobilisent l’action des acteurs identifiés. Pour chacune des thématiques identifiées dans les axes d'orientation, des objectifsopérationnels seront précisés pour permettre une meilleure transition vers les plans d’actions et favoriser la cohérence entre les axes.